Annulées en 2020 en raison de la pandémie, les Rencontres de la Photographie d’Arles ont annoncé hier leur programme pour l’été 2021. Le nouveau directeur du festival, Christoph Wiesner, donne à la 52e édition une nouvelle impulsion, plus mondialisée, plus expérimentale, tout en reprenant et aménageant plus de 50 % des expositions qui avaient été prévues en 2020 par son prédécesseur Sam Stourdzé, parti diriger la Villa Médicis à Rome.
L’édition 2021 entre clairement en résonance avec les débats de l’époque, offrant au public quelques grands éclairages à forte teneur sociale ou genrée. Une vaste exposition, produite à l’origine par le Barbican Centre de Londres, analyse ainsi la construction du concept de masculinité des années 1960 à nos jours, à travers les œuvres d’une cinquantaine d’artistes. Une autre proposition à large spectre venue cette fois des États-Unis explore les représentations du corps noir, et du monde noir en général, à partir des images de quelque 70 photographes. « C’est un projet qui réunit des artistes afro-américains et africains, et qui croise à la fois l’art, la mode et la photographie. En ce sens, cette exposition est assez emblématique de notre désir d’ouvrir le champ, que ce soit géographiquement, esthétiquement ou politiquement », nous confie Christoph Wiesner.
L’ÉDITION 2021 OFFRE AU PUBLIC QUELQUES GRANDS ÉCLAIRAGES À FORTE TENEUR SOCIALE OU GENRÉE
De plus, le festival, dans le choix de ses curateurs, comme dans celui des artistes exposés, s’est largement internationalisé. Outre la confirmation d’une septième édition du Jimei x Arles, prévue en Chine en novembre, une nouvelle collaboration voit en effet le jour avec l’Inde. Les Rencontres s’associent à la Serendipity Arts Foundation pour lancer la « Serendipity Arles Grant », une bourse de 15 000 euros qui est désormais la plus importante d’Asie du Sud pour la photographie, la vidéo et les nouveaux médias. D’autres collaborations avec l’Amérique du Sud ou l’Afrique pourraient voir le jour, car « elles permettraient au festival de disposer de relais d’observation un peu partout dans le monde et de se tenir ainsi au courant de la création internationale », explique Christoph Wiesner.
Par ailleurs, les onze projets du Prix Découverte Louis Roederer, peu mis en valeur les années précédentes, montent en grade. Portés par des galeries mais aussi désormais par des centres d’art, des espaces associatifs, des fondations et des institutions du monde entier, ils bénéficient d’une approche curatoriale unifiée et d’un accrochage ultra-scénographié dans la vaste église des Frères-Prêcheurs. « Nous voulions ancrer la photo émergente dans le cœur historique de la ville, pour signifier que c’est pour nous le cœur des Rencontres », précise Christoph Wiesner.
En valorisant des auteurs moins connus et plus jeunes, des démarches souvent plus conceptuelles, en ne consacrant aucune exposition monographique aux grandes stars de la photo occidentale ou nippone qui ont fait les beaux jours du festival, les Rencontres d’Arles s’annoncent à la fois plus ouvertes et plus exigeantes, plus défricheuses et sans doute moins populaires. « Le festival doit être en résonance avec les enjeux actuels, mais s’ouvrir aussi, comme l’avait déjà fait Sam Stourdzé, à l’ensemble des pratiques. La pluralité des approches – journalistiques, intimes, conceptuelles… – permet des angles de vue différents sur le monde », précise le patron des Rencontres.
Des figures de la scène française sont adoubées : Clarisse Hahn qui montre son travail sur Belleville ; Stephan Gladieu qui expose ses portraits réalisés en Corée du Nord; Smith qui déploie une installation autour de la mythologie du spatial et invente un nouveau pacte avec le cosmos. Parallèlement, des coups de projecteurs sont portés vers des figures tutélaires et fédératrices comme Sabine Weiss, Raymond Cauchetier – le photographe de plateau de Godard, Truffaut et Chabrol –, ou encore Charlotte Perriand, dont on redécouvre les formidables photomontages.
LES RENCONTRES D’ARLES S’ANNONCENT À LA FOIS PLUS OUVERTES ET PLUS EXIGEANTES, PLUS DÉFRICHEUSES ET SANS DOUTE MOINS POPULAIRES
Avec une vingtaine d’expositions officielles (contre une cinquantaine en 2019), la programmation est sensiblement resserrée, même si le chiffre monte à trente-cinq si l’on prend en compte l’ensemble des propositions associées. Christoph Wiesner n’avait pas caché, dès sa nomination, qu’il souhaitait réduire le nombre d’expositions, devenues pléthoriques alors que la ville peine à fournir des espaces d’expositions correctement équipés et viabilisés. La pandémie de Covid-19 est à cet égard un mal pour un bien : cinq accrochages ont lieu désormais dans des jardins – le jardin d’été, aux abords du boulevard des Lices, vient pour la première fois en renfort du jardin de la gare –, le reste des expositions se tient dans des espaces suffisamment vastes pour accueillir les visiteurs tout en respectant les contraintes de distanciation.
Un nouveau lieu s’ajoute à la liste habituelle – la chapelle des Jésuites du Museon Arlaten –, tandis que la Fondation Luma, dont l’ouverture est fixée au 26 juin, accueillera deux expositions dans le bâtiment de la Mécanique générale. Le Grand Arles Express continue de se déployer avec douze expositions réparties entre Marseille, Nîmes, Avignon, Saint-Rémy-de-Provence et surtout Mougins, qui inaugurera début juillet son nouveau Centre de la Photographie. Le principe de trois soirées au théâtre antique est acquis, sans qu’on en connaisse la teneur. En revanche, il n’y aura pas de « Nuit de l’année » dans les rues d’Arles. Pandémie oblige, il faudra réserver à l’avance ses journées de visite et un dispositif est à l’étude pour que les festivaliers puissent s’assurer en temps réel de la jauge de chaque exposition.
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Rencontres de la Photographie d’Arles, du 4 juillet au 26 septembre 2021, Divers lieux dans la ville, 13 200 Arles.