« Le musée prend la parole et vous prend par l’oreille », murmure une voix psychédélique au début du premier épisode du podcast « Écouter, voir… Écoutez voir ! ». Dans cette série lancée en septembre 2020, le LaM a choisi de parler de ses collections à travers le thème du merveilleux. Chaque mois, le musée de Villeneuve d’Ascq propose une nouvelle pastille sonore pour voyager dans le cosmos, édifier des palais ou encore communiquer avec l’au-delà. La série, qui comptera à terme douze épisodes d’une vingtaine de minutes chacun, est réalisée par Elsa Daynac, ancienne journaliste de France Inter et autrice de podcasts pour le musée national Picasso-Paris, les musées de la Ville de Paris, le Centre Pompidou ou encore le Museum national d’histoire naturelle. Pour le LaM, elle a construit des récits où s’entremêlent plusieurs voix : archives, créateurs contemporains, conservateurs et enfants en visite. « Dans un monde qui bouge, se transforme et où l’incertitude règne, on a besoin de merveilleux, d’échappées, de rêves, et aussi d’ancrages. Le musée est le lieu idéal pour combiner ces différentes facettes », explique Sébastien Delot, directeur-conservateur du LaM, en préambule du podcast inaugural, centré sur Brassaï, Joan Miró et Fleury Joseph Crépin.
DES RÉCITS OÙ S’ENTREMÊLENT PLUSIEURS VOIX : ARCHIVES, CRÉATEURS CONTEMPORAINS, CONSERVATEURS ET ENFANTS EN VISITE
Le ton se veut plus sulfureux du côté du Louvre. « Dans l’ombre de la Joconde et de la Vénus de Milo, s’accomplissent de terribles forfaits : assassinats, vols, enlèvements, empoisonnements… Le Louvre est un endroit dangereux », prévient l’actrice Romane Bohringer, qui prête sa voix à la nouvelle création sonore du musée parisien. Créé par le scénariste et réalisateur Martin Quenehen, le podcast « Les Enquêtes du Louvre » fait le pari de « mêler l’art et le crime » en enquêtant sur cinq chefs-d’œuvre de l’institution. L’épisode pilote, qui totalise déjà plus de 50 000 écoutes depuis son lancement en juillet 2020, décrypte le drame qui se joue dans le Radeau de la Méduse, de Géricault. Vue à travers les yeux de conservateurs et d’historiens (Côme Fabre et Bruno Chenique), l’œuvre est aussi racontée par d’autres voix plus inattendues : la cinéaste Mati Diop, le plasticien Paul McCarthy, la navigatrice Isabelle Autissier et la capitaine de police Perrine Rogiez-Thubert, qui parvient à « faire parler » le tableau comme sur une scène de crime…
LE PODCAST « LES ENQUÊTES DU LOUVRE » FAIT LE PARI DE « MÊLER L’ART ET LE CRIME » EN ENQUÊTANT SUR CINQ CHEFS-D’OEUVRE DE L’INSTITUTION
Accessibles depuis le mois de février sur les plateformes d’écoute Apple Podcast, Youtube, Spotify et Soundcloud, les quatre autres épisodes racontent, en 25 minutes chacun, d’autres histoires rocambolesques, de la brillante escroquerie du Tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour aux mystères de la Pyxide d’al-Mughira, en passant par le diamant « Le Régent » ou la malédiction des Taureaux ailés de Khorsabad. Un succès : la série a déjà totalisé plus de 160 000 écoutes. Il s’agit du troisième podcast « natif » du musée du Louvre, c’est-à-dire une production audio qui ne provient pas d’une émission de radio en direct.
L’institution avait déjà proposé « Quand la peinture raconte Léonard » en 2019 ainsi qu’un éclairage sur un sujet plus pointu, la collection du marquis Campana, en 2018. Pour bénéficier d’un cercle d’auditeurs plus large, elle s’est aussi associée à France Inter l’année dernière pour produire « Les Odyssées du Louvre », dix podcasts sur les œuvres et les personnalités phares du musée : la Victoire de Samothrace, Dominique-Vivant Denon, Akhenaton, Jacques Jaujard et Rose Valland… Destinée principalement aux 7-12 ans, la série approche des 2 millions d’écoutes.
Si le Louvre a perdu 72 % de ses visiteurs entre 2019 et 2020, crise sanitaire oblige, il a gagné en contrepartie 1,02 million d’abonnés sur ses réseaux sociaux, dont YouTube, la plateforme la plus utilisée par les auditeurs de ses podcasts après le site du musée lui-même.
Le Centre Pompidou a lui aussi vu son audience d’écoute bondir avec le confinement au printemps 2020. « Globalement, le confinement a favorisé les écoutes, générant des pics de fréquentations à plus de 35 000 écoutes par semaine, confie Agnès Benayer, directrice de la communication et du numérique du Centre Pompidou. Il a permis aussi à un plus large public de faire connaître ces formats et leur contenu. L’écoute reste régulière, voire en augmentation, notamment sur les séries thématiques “Art et féminisme” ou “Art et écologie” ».
Depuis mars 2019, le Centre Pompidou multiplie les angles et les formats dans ses podcasts, pensés comme des supports de visites mais aussi comme des moyens de faire découvrir ses activités à un large public. La série « Les visites du Centre Pompidou » a remplacé les audioguides et propose des parcours sonores dans la collection permanente et les expositions temporaires. Avec 257 000 écoutes depuis son lancement, « Un podcast, une œuvre » s’empare quant à lui d’un sujet de société et l’éclaire par les œuvres du musée. Après le thème du lien entre art et écologie, une nouvelle saison sera lancée fin avril autour de l’amour, avec quatre œuvres permettant d’évoquer le couple, la sexualité, le polyamour et le genre.
Le Centre Pompidou dévoilera aussi, dès début avril, un nouveau podcast sur l’architecture du Centre Pompidou et son histoire, avec les voix de Renzo Piano, de Richard Rogers, ou de Claude et Georges Pompidou. Pour créer une « déambulation sonore », les équipes du Centre Pompidou ont travaillé avec le studio de création sonore Nuits Noires autour d’un traitement binaural, qui permet de reconstituer une spatialisation du son. « L’idée n’est pas de proposer un contenu descriptif mais de faire vivre une expérience, souligne Agnès Benayer. Les podcasts sont une offre complémentaire, adaptée aux usages actuels et plutôt plébiscitée, qui permet d’aborder les collections différemment et d’élargir nos publics. Ils ont un bel avenir devant eux. »