Le musée M+ de Hong kong devrait ouvrir ses portes à la fin de l’année, après plus de dix ans de travaux, et ce même si les voyages internationaux ne reprennent pas en raison de la pandémie de Covid-19. L’institution s’est par ailleurs engagée à inclure dans son accrochage des œuvres de sa collection qui pourraient être jugées problématiques dans cette ville soumise à une forte pression politique.
Vendredi (12 mars 2021), le musée a ouvert en avant-première pour les médias le bâtiment tout juste achevé, conçu en partenariat avec TFP Farrells et Arup par l’agence d’architecture suisse Herzog & de Meuron, lauréate du prix Pritzker en 2001. C’était la première fois que le public était autorisé à découvrir ce projet, situé dans le quartier culturel de West Kowloon, depuis son lancement en 2007. L’immense bâtiment, d’une superficie totale de 65 000 m2 – dont 17 000 m2 d’espace d’exposition – abrite trente-trois salles, trois cinémas, des bureaux et un jardin de sculptures sur le toit. Il se caractérise par l’utilisation de lignes droites, à l’exception du spectaculaire escalier en spirale qui permet aux visiteurs du musée d’accéder au jardin sur le toit, lequel surplombe le port de Victoria.
La façade sud du bâtiment, qui donne sur le port, est dominée par un gigantesque écran numérique de 110 mètres sur 65,8 mètres. Les tunnels de l’Airport Express et de la ligne de métro Tung Chung, qui passent sous le bâtiment, ont représenté un défi pour la construction, mais les travaux d’excavation ont fourni au musée un espace imprévu destiné à présenter des installations, un lieu qui fait partie de ses points forts. Le bâtiment bénéficie également d’une lumière naturelle abondante et de meubles en bambou qui rendent hommage à l’utilisation de ce matériau dans la ville, tant pour les échafaudages que pour les constructions informelles.
LE BUDGET INITIAL DU MUSÉE ÉTAIT D’ENVIRON 630 MILLIONS D’EUROS
Le budget initial du musée était d’environ 630 millions d’euros, mais le coût final n’a pas encore été déterminé. « C’est une institution ancrée dans le sol, qui a les pieds sur terre tout en atteignant le ciel », a déclaré par vidéoconférence Jacques Herzog, associé fondateur de Herzog & de Meuron.
Betty Fung, directrice générale par intérim de l’autorité du district culturel de West Kowloon, a été catégorique: le musée ouvrira dans le courant de l’année « même si la situation du Covid-19 rend impossibles les voyages internationaux. Le M+ n’est pas seulement un musée pour les visiteurs internationaux mais aussi pour les habitants de Hongkong», explique-t-elle. Les troubles politiques actuels qui agitent la ville, qui font suite à l’application par Pékin, l’année dernière, de la loi sur la sécurité nationale à Hongkong – laquelle interdit les activités assimilées à la sécession, à la subversion, au terrorisme et à la collusion avec des influences étrangères risquant de mettre en danger la sécurité nationale – ont suscité des inquiétudes quant aux respects des libertés artistiques et d’expression dans cette ville.
L’INSTITUTION S’EST ENGAGÉE À INCLURE DANS SON ACCROCHAGE DES ŒUVRES QUI POURRAIENT ÊTRE JUGÉES PROBLÉMATIQUES DANS CETTE VILLE SOUMISE À UNE FORTE PRESSION POLITIQUE
Aussi, le M+ pourra-t-il présenter des pièces d’artistes tels qu’Ai Weiwei ou des œuvres créées en réponse à l’agitation politique de la ville ? « Aucun problème. Nous les montrerons », a répondu Suhanya Raffel, directrice du M+. «[Ai Weiwei] fait partie de notre collection. Nos expositions et nos collectionneurs sont influencés par les faits historiques et académiques autour de [l’art], et c’est ce que nous avons l’intention de montrer», assure-t-elle.
L’ouverture du musée était initialement prévue en 2017, mais le chantier a été retardé et le contrat avec la principale entreprise de travaux a été dénoncé en 2018. Le coût de l’ensemble de ce quartier culturel a été évalué au départ à 2,35 milliards d’euros.