« C’est une portraitiste pas comme les autres», assure Andrea Schlieker, la commissaire de l’importante rétrospective de milieu de carrière consacrée à Lynette Yiadom-Boakye, qui ouvre enfin demain à la Tate Britain à Londres (jusqu’au 9 mai 2021) après avoir été reportée deux fois en raison des confinements liés au coronavirus. Si de nombreuses peintures de Lynette Yiadom-Boakye semblent être des portraits de véritables personnes, il s’agit en réalité de créations construites à partir d’images que l’artiste a réunies dans des albums.
Les peintures figuratives de l’artiste représentant des Noirs sont souvent épurées et semblent échapper à tout sens concret. Mais plus vous regardez et étudiez son travail, «plus il devient énigmatique, explique Andrea Schlieker. En temps normal, une œuvre peut sembler mystérieuse au premier coup d’œil, puis vous l’examinez et l’énigme se dissipe complètement – or, avec le travail de Lynette, c’est exactement l’inverse.»
LA PEINTURE DE YIADOM-BOAKYE « EST UN ACTE RADICAL »
Cependant, s’il est difficile, voire impossible d’appréhender les sujets et leur environnement, les personnages noirs ne sont pas « singularisés », commente Andrea Schlieker. La peinture de Yiadom-Boakye « est un acte radical car il s’agit de rétablir un équilibre », poursuit-elle. « Quand vous visitez un musée occidental et que vous regardez les portraits réalisés au cours des cent dernières années, vous ne voyez que des Blancs », ajoute-t-elle.
Le travail de l’artiste « est évidemment politique, mais sans la volonté d’en faire un combat d’activiste », poursuit la commissaire, ajoutant que le critique d’art Hilton Als décrit bien le travail de la créatrice en affirmant que quand elle « s’intéresse à la société noire, ce n’est pas à la façon dont elle a été affectée ou façonnée par le monde des Blancs, mais telle qu’elle existe par elle-même ».
L’EXPOSITION COMPREND ENVIRON 80 ŒUVRES COUVRANT DEUX DÉCENNIES
L’exposition constitue la plus vaste rétrospective du travail de l’artiste britannique à ce jour et comprend environ 80 œuvres couvrant les deux dernières décennies. Les premiers portraits datent de 2003, année où elle sort diplômée de la Royal Academy of Arts de Londres, une période où son style est « presque caricatural », tandis que les œuvres les plus récentes comprennent de petites peintures réalisées pendant le confinement.
Le report de l’exposition à cause de la pandémie a conduit à l’annulation de deux étapes initialement prévues, au musée Guggenheim Bilbao, en Espagne, et au San Francisco Museum of Modern Art, aux États-Unis. Cependant, à la place, la rétrospective sera ensuite présentée au Moderna Museet à Stockholm, en Suède, au K20 à Düsseldorf, en Allemagne, et au Mudam, au Luxembourg.