Mêlant mannequins, artefacts, décors peints et parfois animaux naturalisés, le dispositif d’exposition que constitue le diorama se construit tout au long du XIXe siècle. Bientôt, les musées d’histoire naturelle et les musées anthropologiques – ce sont eux qui intéressent Noémie Étienne dans son livre Les Autres et les ancêtres – y voient un moyen de prédilection pour mettre en scène les savoirs. Selon l’auteure, si le diorama est rarement étudié, il forme pourtant « un observatoire privilégié pour interroger, de manière indirecte mais efficace, les liens entre art, histoire de l’art et anthropologie aux États-Unis autour de 1900 ». Car sa production nécessite la collaboration entre de nombreux intermédiaires – anthropologues, artistes, copistes, photographes ou encore artisans.
Noémie Étienne concentre son analyse sur deux cas précis : les dioramas de l’American Museum of Natural History à New York, conçus sous la direction de l’anthropologue Franz Boas, pionnier de sa discipline, puis de son successeur Clark Wissler; et ceux du New York State Museum, à Albany, élaborés par un anthropologue d’origine sénéca-iroquoise, Arthur C. Parker. Elle a ainsi mené un travail de longue haleine à la recherche d’archives, de lettres, de croquis et de photographies qui documentent de manière inédite son étude.
Fontcion, critique et postérité du diorama
L’ouvrage, très fouillé (au point, maigre objection, de prendre parfois une tournure par trop scolaire), propose également une réflexion plus théorique sur les fonctions du diorama. Quel rapport entretient-il avec l’authenticité ? et avec la fiction ? Noémie Étienne montre que son succès aux États-Unis réside dans sa participation à la construction d’une image de la Nation, à la valorisation de ses liens avec la terre et à la définition d’ancêtres communs. Bref, qu’il contribue à un récit national. La chercheuse s’intéresse aussi à la critique dont le dispositif, désormais jugé simpliste et réifiant, a fait l’objet à la fin du siècle dernier. Dans le cadre des études postcoloniales et féministes notamment, il est en effet accusé de véhiculer une vision paternaliste, sexiste et raciste des peuples amérindiens ou des communautés afro-américaines.
Noémie Etienne concentre son analyse sur deux cas précis: les dioramas conçus sous la direction de l’anthropologue Franz Boas et ceux élaborés par l’anthropologue Arthur C. Parker.
Noémie Étienne évoque enfin son influence sur les artistes contemporains – souvenons-nous de l’ex-position « Dioramas » au Palais de Tokyo, à Paris, en 2017 –, ainsi que son actualité, surprenante, dans des centres culturels indiens, par exemple. Et de conclure : « Espace bricolé, fabriqué, théâtral, mettant en scène les fragments de cultures démantelées et décimées, le diorama organise le passé et le tourne vers l’avenir d’un “Nouveau Monde” à la recherche de ses ancêtres.»
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Noémie Étienne, Les Autres et les ancêtres. Les dioramas de Franz Boas et d’Arthur C. Parker à New York, 1900, Dijon, Les presses du réel, 2020, 352 pages, 32 euros.