L’endroit exact où Vincent van Gogh a peint son dernier tableau quelques heures avant son suicide vient d’être retrouvé. La toile Racines d’arbres a été identifiée comme sa dernière œuvre il y a quelques années. Une ancienne carte postale a permis de localiser ce lieu.
Hier matin, Willem van Gogh, l’arrière-petit-fils de Theo, le frère de l’artiste, et la directrice du musée Van Gogh d’Amsterdam, Emilie Gordenker, ont officiellement dévoilé une plaque à Auvers-sur-Oise, le village au nord de Paris où l’artiste est décédé le 29 juillet 1890.
CETTE DÉCOUVERTE POURRAIT JETER UN ÉCLAIRAGE NOUVEAU SUR LA MORT TRAGIQUE DE VAN GOGH
Leur présence démontre que tant la famille que le musée estiment qu’il est hautement plausible que le site du dernier tableau ait finalement été retrouvé. Cette découverte pourrait jeter un éclairage nouveau sur la mort tragique de Van Gogh. Le travail de détective a commencé en 2012 lorsqu’un conservateur chargé des recherches au musée, Louis van Tilborgh, et le spécialiste de la botanique Bert Maes ont identifié Racines d’arbres comme étant le dernier tableau de Van Gogh. La confirmation la plus décisive est venue d’un article obscur et non signé d’Andries Bonger, le beau-frère de Vincent. En 1893, Bonger a écrit que « le matin avant sa mort, [l’artiste] avait peint un sous-bois plein de soleil et de vie ». La suggestion que Racines d’arbres soit son dernier tableau a renversé l’opinion établie de longue date selon laquelle Champ de blé aux corbeaux, très chargé symboliquement, était son œuvre finale.
Le dernier rebondissement est venu de la découverte de l’emplacement où sont conservés encore aujourd’hui les restes des arbres. Elle a été faite par le Strasbourgeois Wouter van der Veen, directeur scientifique de l’Institut Van Gogh, une organisation liée à la Maison Van Gogh - l’ancienne Auberge Ravoux à Auvers, où l’artiste est décédé le 29 juillet 1890. Il y a quatre mois, Wouter van der Veen examinait d’anciennes cartes postales d’Auvers quand il a repéré l’image d’un cycliste sur une route, avec des arbres en arrière-plan. Il comprit soudain qu’une partie de la scène ressemblait étrangement à celle de Racines d’arbres, le tableau du musée Van Gogh d’Amsterdam. La comparaison entre le tableau de 1890 et la carte postale de 1900-1910 l’a convaincu qu’il s’agissait de la même rangée d’arbres.
Avec les restrictions de voyage liées aux coronavirus, Wouter van der Veen a dû attendre le mois de mai pour qu’il puisse enfin se rendre en voiture à Auvers-sur-Oise. La carte postale s’intitule Rue Daubigny et, en arrivant sur le site, il a pu rapidement identifier l’endroit, juste à côté du numéro 48. Étonnamment, la plus grande racine d’arbre du tableau et de la carte postale est toujours là. L’emplacement est à seulement 150 mètres et deux minutes à pied de l’auberge de Van Gogh. Bien que des générations de spécialistes et d’aficionados de l’artiste y soient passées, personne n’avait fait le lien. Lors de la visite de Wouter van der Veen le 15 mai, les restes des arbres et des racines étaient en majeure partie recouverts de végétation. Le talus a ensuite été partiellement dégagé, révélant le contour austère de la racine principale et de la souche représentées dans le tableau. Une barrière de protection a été mise en place pour éviter les dommages et permettre aux touristes qui affluent à Auvers-sur-Oise pour visiter l’Auberge Ravoux (qui rouvrira en mars prochain après la fermeture pour cause de crise sanitaire) et les tombes de Vincent et Théo, de profiter de la vue.
Wouter van der Veen a enquêté sur le déroulement des faits ce 27 juillet 1890, jour de la mort de Vincent. Citant Bonger, il pense que Van Gogh a commencé son tableau ce matin-là, à cet endroit commodément proche de son auberge. Bien qu’il s’agisse d’une grande toile (un mètre de large), l’artiste a travaillé très rapidement et l’aurait probablement presque terminée ce matin-là. Van Gogh est après rentré à l’auberge pour son déjeuner du dimanche. Wouter van der Veen pense que l’artiste est ensuite retourné rue Daubigny, pour ajouter quelques touches au tableau et représenter les effets de lumière de la fin d’après-midi. Il rapporta ensuite la toile presque achevée à l’auberge. Bien que cela relève de la spéculation, à son retour dans sa chambre mansardée, il aurait peut-être pris la décision d’en finir. Ce soir-là, portant un petit revolver, il quitta l’auberge et se dirigea vers les champs de blé à la lisière du village. Il ne s’agit pas d’un meurtre, comme certains auteurs récents l’ont affirmé, mais bien d’un suicide. Van Gogh est mort deux jours plus tard des suites de ses blessures.
Comme l’explique Wouter van der Veen, « après avoir travaillé pendant des heures à un tableau qui montre une lutte acharnée entre la vie et la mort, Van Gogh, se sentant seul et ne voyant aucune alternative, a décidé de trouver son repos terrestre sous un soleil couchant, à la périphérie du village offrant une vue sur un champ de blé fraîchement moissonné. Quant à Racines d’arbres, Van der Veen le considère comme « un message d’adieu » ».
La découverte de Wouter van der Veen constitue la pièce centrale de son nouveau livre, Attaqué à la racine, Enquête sur les derniers jours de Van Gogh, disponible en téléchargement libre.