Stupide, gros, laid, grossier, fanfaron, malhonnête, sans vergogne, avare, cruel, lâche, mauvais - cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Oui, c’est Ubu, le roi-monstre créé par Alfred Jarry (1873-1907), qui réapparaît à point nommé dans une exposition de livres et d’œuvres sur papier à la Morgan Library à New York.
Jarry a connu une carrière météorique, flamboyante mais brève (il est mort à 34 ans de tuberculose provoquée par l’abus de drogues et d’alcool). Parmi ses pièces, Ubu Roi, la plus célèbre, fut un « succès polémique », présentée lors d’une seule soirée, en 1896. Ubu – dont le vocable favori, répété à l’envi, est « merrrdrrre » – est depuis devenu un archétype pour tous les monstres sociaux et politiques. Jarry a également écrit des romans, des critiques et inventé la « pataphysique », une notion protéiforme qui reste indéfinissable : « La science des solutions imaginaires ». Ses idées anticonformistes ont influencé de nombreux artistes. Max Ernst, Dora Maar, Joan Miró, Pablo Picasso, David Hockney et William Kentridge ont tous reconnu leur dette envers Jarry. Son génie perturbateur est censé avoir ouvert la voie à Dada, au Surréalisme, au Futurisme et au théâtre de l’absurde, et être le précurseur du post-structuralisme et du postmodernisme.
L’exposition « The Carnival of Being » n’aurait pu voir le jour sans la donation à la Morgan Library, en 2017, par Robert J et Linda Klieger Stillman de quelque 300 pièces de leur collection, amassés pendant plusieurs décennies. L’exposition, qui s’ouvre demain, comprendra les expérimentations de Jarry en matière de conception de livres et de magazines, y compris ses gravures sur bois et ses collages.
« Alfred Jarry: the Carnival of Being », du 24 janvier au 10 mai, The Morgan Library & Museum, New York.