En s’ouvrant depuis quelques années aux galeries d’art contemporain, essentiellement belges ou disposant d’un espace à Bruxelles (tels Bernier-Eliades, Clearing, Gladstone ou Almine Rech), la Brafa – longtemps estampillée foire plutôt classique – a élargi autant que rajeuni son offre tout comme son public. Inversement, la programmation des galeries à cette période de l’année commence de plus en plus à tenir compte de ce rendez-vous prestigieux et des potentiels collectionneurs d’art moderne qu’il attire ou espère attirer, en amont de la Tefaf Maastricht qui se déroule en mars.
En réunissant un ensemble exceptionnel d’une cinquantaine d’œuvres sur papier de Le Corbusier, la galerie Maruani Mercier en constitue l’un des meilleurs exemples. « Bien sûr, la programmation de cette exposition est en rapport avec les dates de la Brafa, mais aussi de la Tefaf à Maastricht, où nous participerons pour la cinquième fois, nous explique Serge Maruani. Ce n’est pas quelque chose que l’on proposerait au moment de la foire d’Art Brussels. Les visiteurs ne sont pas les mêmes. C’est un peu comme le travail que nous effectuons sur l’œuvre de Man Ray depuis une douzaine d’années. Il s’agit de ne pas couper l’art moderne des influences qu’il exerce sur l’art contemporain : ce dialogue est important à mes yeux et c’est le sens de notre accrochage à la Brafa, où nous présentons plusieurs travaux sur papier de Le Corbusier ». L’enseigne compte aussi capter les collectionneurs étrangers venus voir la Brafa en avion grâce à son nouvel espace de Zaventem, près de l’aéroport de Bruxelles-National, qui propose trois expositions individuelles dévolues à Georg Baselitz, William Daniels et Rashid Johnson. L’exposition de Le Corbusier, dont 70 % des œuvres sont proposées à la vente, met en valeur sa pratique picturale et quasi quotidienne, discipline souvent occultée par sa carrière d’architecte. Or, les deux se sont influencées, comme on peut le voir dans certaines œuvres des années 1950 réalisées à Chandigarh, son grand projet urbanistique en Inde, poursuivi par son cousin Pierre Jeanneret. L’exposition permet de se rendre compte de l’évolution de son travail depuis 1917, lorsque, avec Amédée Ozenfant, il se trouve à l’origine du purisme, dans la foulée du cubisme. Le dessin, comme la couleur, constitue les fondements de sa démarche de plasticien, malgré tout sous l’ombre tutélaire de Picasso pour ses séries traitant des figures féminines ou des taureaux.
Éminent représentant atypique du pop art anglais, Eduardo Paolozzi (1924-2005) bénéficie avec la galerie Clearing de sa première exposition personnelle en Belgique. Elle se déroule concomitamment à la Brafa à laquelle la galerie participe pour la première fois. L’exposition réunit deux ensembles impressionnants offrant un panorama de la démarche de l’artiste. Huit sculptures monumentales aux formes « mécanomorphiques » en aluminium extrudé accaparent la vaste halle de la galerie. Sur les murs se manifestent toute l’importance et l’originalité du travail graphique de Paolozzi, réparti en cinq grandes suites de photogravures ou de photolithographies.
En 1988, le jeune et insomniaque Jan Fabre – il a tout juste 30 ans – séjourne à Berlin. Son outil est alors la pointe Bic de couleur bleue, avec laquelle il couvre de dessins des papiers de grand format où se développe toute une obscure cosmogonie peuplée de tornades, de cyclones, d’orages ou de vagues géantes. La surface du papier est intégralement recouverte de son bleu caractéristique, geste pictural que l’on pourrait assimiler à ses performances en solo de l’époque. Acquis par un mécène, quasi oublié depuis, l’ensemble hiberne pendant une trentaine d’années avant de resurgir il y a peu. Il est ainsi montré au public pour la première fois à la galerie Templon, accompagné de petites sculptures en verre de Murano, et n’a rien perdu de sa puissance.
Sise dans le lumineux atelier de l’ancienne demeure de style éclectique du peintre belge Charles Michel, aujourd’hui oublié, l’antenne bruxelloise de la Galerie de la Béraudière présente une exposition d’« artistes matiéristes ». Les figures de proue en sont Jean Dubuffet avec quatre œuvres s’échelonnant de 1947 à 1962 et trois élégants petit format de Jean Fautrier, à peu près de la même période. On y voit aussi un miroir d’Enrico Baj, deux œuvres de Manolo Millares, une de Tàpies (1968) et une de Karel Appel (1954), toutes deux de belle facture, sans oublier de petites sculptures de César et Germaine Richier, également des années 1950. C’est l’époque de la puissance du geste (grattages, empreintes, incisions) et d’un apport alors iconoclaste de matières comme le sable, le gravier, le goudron, tout en gardant la toile ou le papier comme support de prédilection.
ADRESSES :
Brafa, du 26 janvier au 2 février, Tour & Taxis, Avenue du Port 88, Bruxelles.
« The World of Le Corbusier. Collages and Drawings », jusqu’au 21 mars,Galerie Maruani Mercier, 430 avenue Louise, Bruxelles.
« Eduardo Paolozzi, The Metallization of a Dream », jusqu’au 14 mars, Clearing, 311 avenue Van Volxem, Bruxelles.
« Jan Fabre, L’Heure Sauvage », jusqu’au 22 février, Galerie Templon, 13 rue Veydt, Bruxelles.
« Dubuffet et les artistes de la matière », jusqu’au 10 avril, Galerie de la Béraudière, 6 rue Jacques Jordaens, Bruxelles.