Artiste prolixe, adepte d’un art accessible à tous, au style des plus identifiables – d’où sa reconnaissance immédiate par une large audience –, Keith Haring n’a jamais laissé indifférent, de ses débuts dans le métro new-yorkais aux fresques de grand format, parfois réalisées en public. Son engagement sociétal ne s’est jamais démenti non plus.
C’est ce qui ressort de la rétrospective que lui consacre Bozar (après une présentation à la Tate Liverpool) qui, tout en étant chronologique, se veut surtout biographique, témoignant d’un militantisme constant, parfois de l’activisme. L’artiste américain a été engagé contre le libéralisme politique des présidents Reagan et Bush père, contre les dangers du nucléaire, contre l’apartheid et la ségrégation raciale en Afrique du Sud, ou contre l’homophobie. Sa grande cause a bien sûr été la lutte contre le Sida et plus précisément contre l’apathie des autorités américaines et new-yorkaises face à ce fléau qui aura décimé la communauté gay à la fin des années 1980.
S’il est loin d’être le seul à s’être engagé dans ce combat, son style aussi fluide que percutant, dû tant à sa formation initiale de graphiste qu’à son sens inné du dessin et de la maîtrise du trait, aura intensément concouru non seulement à sa notoriété publique, mais aussi à la force évocatrice de son message, lisible et compréhensible par tous, du simple passant au collectionneur chevronné qui y aura trouvé une véritable signature. Cette question du style et de la puissance évocatrice est précisément ce qui contribue à sa singularité et à son succès auprès du public au sujet du Sida, à la différence par exemple de David Wojnarowicz, son concitoyen new-yorkais, gay également, encore plus engagé que lui dans cette lutte, à la fois dans le discours et la posture revendicative, mais dont la production artistique ne peut rivaliser avec l’identification immédiate de celle de Keith Haring. C’est en tout cas la lecture qu’en donne sa rétrospective éclectique actuellement visible au Mudam à Luxembourg [exposition « David Wojnarowicz. History Keeps me Awake at Night », jusqu’au 9 février 2020].
L’exposition « Keith Haring » de Bruxelles n’est pas aussi spectaculaire que la rétrospective organisée par le musée d’art moderne de Paris en 2013, mais une sélection d’œuvres emblématiques retrace les différentes étapes de son parcours. Il débute avec les premiers dessins en noir et blanc réalisés à Pittsburgh (l’artiste est encore marqué par l’influence d’Alechinsky et de Dubuffet), ses interventions dans le métro new-yorkais, jusqu’à ses changements de style des derniers mois où l’engagement de la lutte contre le Sida l’amènera vers une autre imagerie, sans négliger la dimension performative de son travail (le Club 57) qui rend cette exposition des plus vivantes. Keith Haring restera toujours fidèle à deux de ses supports de prédilection : les grands papiers traités à l’encre Sumi d’origine japonaise (la salle des dessins est remarquable à cet égard, même si on l’aurait souhaitée plus spacieuse) et les bâches de chantier, utilisées à ses débuts pour des raisons économiques et auxquelles il aura donné ses lettres de noblesse.
« Keith Haring », jusqu’au 19 avril 2020, Palais des Beaux-Arts (Bozar), 23 rue Ravenstein, Bruxelles.
« David Wojnarowicz, History Keeps Me Awake at Night », jusqu’au 9 février 2020, Mudam, 3 Park Draï Eechelen, Luxembourg- Kirchberg.