En Wallonie, deux initiatives destinées à rendre plus accessibles l’art et son histoire ont récemment vu le jour. Leur point commun : il s’agit de démarches privées s’appuyant sur des sites développant déjà un tourisme culturel ou scientifique, sans pour autant être a priori concernés par l’art. Les deux lieux ont été inaugurés l’été dernier, et leurs collections proviennent soit directement de leur promoteur, soit de prêts d’autres particuliers. En ce début de saison estivale, focus sur cette façon de montrer l’art autrement, en forme d’initiation décomplexée. La première, le Mudia, se trouve à Redu (province de Luxembourg), petite entité ardennaise connue pour son « Village du livre », qui attire chaque week-end les amateurs de livres anciens et d’occasion. À proximité de l’Euro Space Center, site de découvertes et de loisirs dédié à la conquête spatiale, le Mudia a trouvé place dans l’ancien presbytère du village, rénové et agrandi pour offrir une superficie de 1000 m2 à l’exposition permanente. Le bâtiment comporte une vingtaine de pièces réparties sur quatre niveaux. La seconde, appelée Art House, est située dans la province de Liège, à Chaudfontaine, commune réputée pour ses sources thermales et son eau commercialisée sous le label éponyme. Doté de 500 m2 de surface d’exposition, le lieu partage un hall moderne avec la Water House, espace de découverte scientifique du circuit de l’eau. L’environnement verdoyant de la station thermale confère un charme particulier à l’endroit, dont l’escalier fin de siècle de la gare a été immortalisé dans une peinture de Paul Delvaux.
Le Mudia à Redu
Le Mudia se présente et s’affirme d’emblée comme une « nouvelle attraction touristique, ludique, pédagogique et culturelle, adaptée à tous les publics, où la priorité est accordée à la présentation ». Le parcours – 300 œuvres exposées dans un espace relativement exigu – se veut aussi rigoureux que ludique et digital. Il embrasse les grands mouvements de l’histoire de l’art du XVe siècle à nos jours. Le pari n’était pas gagné, mais l’approche chronologique donne toute satisfaction au visiteur. L’exposition s’offre même le luxe de rendre compte de pas moins de quarante-six mouvements différents! Une série de dispositifs interactifs inédits mêlent œuvres d’art ciblées et activités ludiques en étroit rapport avec celles-ci. L’exemple le plus abouti est assurément l’animation en images de synthèse du Triptyque de la Tentation de saint Antoine de Jérôme Bosch, où personnages et objets surgissent du tableau et réagissent aux manipulations des visiteurs, avant de regagner leur place. Ailleurs, jeux de réflexes ou de mémoire, expériences auditives ou olfactives suscitent constamment la réflexion.
Deux initiatives destinées à rendre plus accessibles l’art et son histoire ont vu le jour, portées par l’enthousiasme et le désir de partage de leurs promoteurs.
Dès l’entrée, l’immersion est totale, car le visiteur se trouve confronté à une copie virtuelle des fresques de la chapelle Brancacci (église des Carmes) à Florence. Puis, dans les étages, de la Renaissance au surréalisme, l’histoire de l’art défile, ponctuée de quelques pièces majeures comme des toiles de Pieter Brueghel le Jeune ou de la caravagiste Artemisia Gentileschi. L’art du XIXe siècle est particulièrement bien représenté, avec le romantisme, le réalisme social, le symbolisme et l’Art nouveau. La première moitié du XXe siècle se concentre sur le fauvisme et, surtout, le cubisme, offrant un bel ensemble d’œuvres sur papier de Pablo Picasso, tandis que Vassily Kandinsky, František Kupka, Paul Klee et Sonia Delaunay incarnent les débuts de l’art abstrait. Dada et le surréalisme sont mis en exergue à travers des œuvres de Man Ray, Francis Picabia, Max Ernst, Alberto Giacometti, René Magritte et Paul Delvaux. Enfin, au sous-sol, sont évoqués de façon plus succincte (à l’exception de CoBrA), l’art brut, le tachisme, le pop art, l’art cinétique et l’art conceptuel.
L’Arthouse à Chaudfontaine
Le promoteur du projet, l’historien d’art et entrepreneur culturel Jean-Christophe Hubert, présente l’Arthouse comme « un concept totalement novateur pour la Belgique, mais aussi à l’échelle de l’Europe. C’est en effet la première fois qu’une collection permanente a été rassemblée prioritairement pour les enfants et les scolaires. » Bien entendu, la visite s’adresse également aux parents qui en profiteront pour revoir, en toute modestie, leurs classiques du siècle dernier, puisque le parcours débute avec Camille Corot et les impressionnistes pour se clôturer avec le pop art et le Nouveau Réalisme. Les pièces présentées sont en grande majorité des œuvres sur papier qui, selon les époques, vont du dessin à la sérigraphie en passant par l’eau-forte, le pastel, le mono-type, la gouache, la gravure sur bois, la lithographie, le collage et, dans le cas de Picasso, la zincographie.
Cette première initiation à l’art moderne et contemporain n’est certes pas aussi interactive que celle du Mudia – on ne trouve ici nulle innovation technologique ou prouesse digitale. L’approche est plus classique, avec la mise à disposition de dossiers pédagogiques et de fiches de jeux pouvant être téléchargées. Le choix des œuvres exposées va à l’essentiel de la démarche des artistes. Ceux-ci sont représentés dans des ensembles monographiques plus importants qu’au Mudia, en particulier consacrés à Camille Corot, Henri de Toulouse-Lautrec, Edgar Degas, Pablo Picasso, Salvador Dalí, René Magritte, au mouvement CoBrA, à Francis Bacon, Victor Vasarely ou Andy Warhol.
Après moins d’un an d’activité, il est cependant trop tôt pour tirer un bilan de ces initiatives portées par l’enthousiasme et le désir de partage de leurs promoteurs.