Formés à l’école nationale supérieure d’art de Dijon, Ida Tursic et Wilfried Mille travaillent en duo depuis l’an 2000. Ils ont fait de la peinture le sujet même de leur œuvre. Fascinés par la surproduction actuelle d’images, ils puisent leur iconographie très punk dans une multitude de sources, recyclant là une scène de pornographie ou de film d’auteur, ici une photographie de fleur, d’incendie, de Bettie Page ou encore d’Iggy Pop, qu’ils transposent à la manière de portraits, de paysages, de natures mortes ou de scènes de genre. Ils inscrivent ainsi la culture visuelle contemporaine dans une histoire de l’art pictural qui remonte, structurée de la sorte, à la Renaissance. Des éclaboussures ou des taches comme des éjaculats dans certains de leurs tableaux brouillent la perception du tracé initial : intrusion de motifs abstraits, mais aussi mise à distance critique, à l’ère d’Internet où les images, fabriquées de façon industrielle, disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues, pour mieux sombrer dans les limbes de la société du spectacle. Pour le prix Marcel Duchamp, Tursic et Mille ont conçu une vaste installation intitulée Before Becoming a Poodle, a Duck or Something Else. Elle est composée d’un ensemble de peintures sur panneaux de bois découpés, certaines soclées, d’autres debout contre les murs («If Rothko Was a Carpenter, à partir d’un souvenir lointain d’une peinture de Malevitch, sans vérifications préalables, accompagné de son bichon»), et d’une structure métallique ornée de canards sculptés («Quelques canards inquiétants et quelques cubes rouges surfant ensemble sur deux vagues distinctes mais en parfaite synchronisation»). Pour la première fois, leurs thèmes de prédilection, tels que le chien, les fleurs, le cow-boy ou l’art abstrait, sont articulés en une ambitieuse scénographie, forme de collage projeté dans l’espace et élevé à une échelle monumentale : «Nous avons timidement commencé à sortir du cadre lors de notre exposition à la Fondation d’entreprise Ricard en 2017, avec un tableau exécuté à même les murs de l’atelier, ainsi qu’un bichon peint sur panneau de bois découpé et soclé, explique Wilfried Mille. L’année dernière, nous avons poursuivi ces recherches à la galerie Almine Rech, à Bruxelles. Pour le prix Marcel Duchamp, nous avons souhaité développer cela de manière plus radicale, en ne pro-posant que des “shape paintings”, placées au sol afin d’annihiler totalement les frontières entre peinture et sculpture, abstraction et figuration.»
Ida Tursic et Wilfried Mille : peinture peinture
Pour la deuxième année consécutive, The Art Newspaper est partenaire du prix Marcel Duchamp. Présentation du projet d'Ida Tursic et de Wilfried Mille spécialement conçu pour l’exposition au Centre Pompidou.
9 octobre 2019