« Les musées fédéraux (belges) dans une grande misère », titrait en une du 31 décembre 2018 le quotidien Le Soir, suivi le 31 janvier 2019 par « Le gouvernement Wallonie-Bruxelles organise le refinancement immédiat des musées ». Toute une problématique de la Belgique se dévoile dans ces deux titres contradictoires qui concernent, on l’aura deviné, deux entités politiques différentes, sans parler ici de la Flandre.
Au niveau fédéral
Les musées fédéraux sont d’anciennes institutions nationales rebaptisées Établissements scientifiques fédéraux et gérées par l’État. Les plus connus sont les Musées royaux des beaux-arts (MRBA), parmi lesquels, à Bruxelles, le musée Magritte, le musée d’Art et d’Histoire dans le parc du Cinquantenaire, la Bibliothèque royale, l’Institut royal du patrimoine artistique, le musée des Sciences naturelles, ainsi que l’Africa Museum à Tervuren (voir The Art Newspaper édition française, janvier 2019). Le désengagement de l’État fédéral a été sévèrement critiqué dans la presse belge par les directeurs de plusieurs institutions concernées et récemment relayé dans la presse française. Ainsi, dans le numéro de février du magazine L’Œil, Michel Draguet, directeur des Musées royaux des beaux-arts, ne mâche pas ses mots : « À force de transférer aux régions des moyens jusqu’à présent fédéraux, on met les institutions fédérales dans un état de sous financement chronique. […] En Belgique, il n’y a pas de culture de la culture.» Ajoutant, sans ambages : «C’est un pays de collectionneurs, un pays marchand qui n’a pas une vision désintéressée de la culture!»
Le budget de chacune de ces institutions est à la baisse, ce qui a de réelles répercussions sur leur budget de fonctionnement (on parle d’une perte moyenne de 25% au cours des cinq dernières années) et le travail scientifique, entraîne un non-remplacement du personnel (une perte moyenne d’effectifs estimée à 15%), sans parler des budgets d’acquisition réduits à peau de chagrin, voire inexistants. Guido Gryseels, le directeur du musée de Tervuren, évoque «une crise majeure», qui met sérieusement en péril l’organisation des expositions temporaires et, plus grave à ce niveau, la recherche scientifique, en raison notamment du non-renouvellement des postes de ceux qui partent à la retraite.
En fédération Wallonie-Bruxelles
La ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles Alda Greoli a créé la surprise en annonçant, il y a peu, un refinancement immédiat des musées dépendant de cette entité. Si l’augmentation budgétaire peut paraître considérable en termes de pourcentage – on parle de 18% –, son montant n’est en fait que de 13 millions d’euros, répartis entre les soixante-seize musées conventionnés de cette Fédération dont le territoire en compte environ trois cents, forcément de tous ordres. Comme l’explique Le Soir, ceci ne va pas sans quelques conditions ou réajustements. Ainsi, exit la gratuité des visites scolaires, puisque à peine treize musées sur les soixante-seize subventionnés la pratiquaient. Cet abandon est compensé par l’obligation d’offrir des tarifs préférentiels aux publics scolaires, aux plus défavorisés, aux jeunes de moins de 26 ans et aux seniors, et le maintien de la gratuité pour tous le premier dimanche du mois.
Un des aspects les plus ambitieux du futur décret est d’inciter et d'encourager la création de pôles muséaux, visant à établir des synergies et développer des collaborations transversales.
Suivant une logique de rationalisation et d’harmonisation, chaque musée doit désormais être régi par un décret unique plus homogène, définissant ses obligations. Dont celle d’établir un plan de numérisation des collections, de façon à mieux faire connaître leur contenu et, éventuellement, de faire circuler certaines œuvres. Une autre demande concerne les musées les plus importants : intégrer au moins une œuvre détenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles – dont ils sont dépositaires – dans chaque exposition temporaire organisée, afin de valoriser ce patrimoine. C’est d’ailleurs déjà souvent le cas, tout étant question de stratégie par rapport à la programmation. Cette exigence ne devrait pas être insurmontable puisque la collection, qui comporte près de 50000 œuvres, est loin de se limiter aux artistes belges francophones.
Un des aspects les plus ambitieux du futur décret est d’inciter et d’encourager la création de pôles muséaux, visant à établir des synergies et développer des collaborations transversales. Si on pense en premier lieu à des regroupements géographiques, comme le Pôle muséal de la ville de Mons qui regroupe onze sites, du musée des Beaux-Arts (BAM) au musée archéologique Silex’s en passant par la Maison Van Gogh, il pourra également s’agir de regroupements thématiques. Les convergences s’effectueraient ainsi autour de partenariats spécifiques, comme le développement de projets communs en termes de communication, de centres de documentation, de sites Web, etc. Parmi les principaux musées concernés, citons, outre ceux de Mons, le musée de la Photographie à Charleroi, le Centre de la gravure et de l’image imprimée à La Louvière ou le château de Seneffe. Le sujet reste cependant délicat, les principaux acteurs étant dans l’expectative, cultivant – à l’opposé de leurs collègues fédéraux – une discrétion de bon aloi à ce propos, car tous les paramètres ne sont pas encore précisés. Il s’agit avant tout de donner un signal positif et concret aux directeurs des institutions, dont certaines sont en mauvaise posture financière, ce qui déteint invariablement non sur la qualité, mais sur la fréquence des manifestations. Cette volonté politique est liée à une vaste remise à plat de tous les secteurs culturels concernés, du spectacle vivant aux arts plastiques.