Rencontré dans son bureau avec vue sur le Quartier des spectacles, John Zeppetelli, le directeur du musée d’Art contemporain de Montréal (MAC) depuis 2013, jouit d’une position enviable. Il dirige un établissement plus que cinquantenaire, qui s’apprête à subir une cure de jeunesse. Il a l’occasion de le réinventer, sans le détruire. Bref, il a à bâtir sur du solide. Depuis le temps qu’il est question de l’agrandir, c’est sous sa gouverne que le musée d’État renaîtra vers la fin de 2021, peut-être en 2022. « C’est loin, quatre ans! Est-ce qu’on pourra attendre? », s’exclame-t-il, anxieux de faire connaître un film 3D de l’artiste parisien Cyprien Gaillard, une récente acquisition qui ne sera présentée pour des raisons techniques que dans le futur écrin. Tout à son futur projet, il rêve d’exposer Ryoji Ikeda, William Kentridge, Taryn Simon, Ai Weiwei… Le chantier, qui doit débuter en 2019, est porté par deux grands objectifs : doubler les aires d’exposition, notamment par l’apparition de trois salles, et transformer le hall d’entrée, avec l’appui d’une nouvelle façade vitrée. Le projet de 44,7 millions de dollars canadiens est soutenu par les gouvernements québécois (provincial) et canadien (fédéral) –37,7 millions de dollars canadiens à eux deux –, et complété par les fonds amassés par la Fondation du MAC. C’est la proposition de l’équipe montréalaise formée de Saucier + Perrotte Architectes et de GLCRM & Associés Architectes qui a été retenue après concours.
Se défaire d’une mauvaise image
Le MAC a été fondé en 1964 par le gouvernement du Québec sur le principe d’« une collection d’œuvres récentes d’artistes de Montréal, du Québec, du Canada et de l’étranger». Doté d’une triple mission (diffusion, acquisition, éducation), l’établisse-ment a longtemps été le seul musée canadien en son genre. Le projet d’agrandissement, ou de «transformation », survient après vingt cinq ans de présence au centre-ville de Montréal. Longtemps excentré, le MAC souffrait d’une fâcheuse réputation, celle d’être inaccessible. Le bâtiment érigé en 1992 devait régler le problème. Ce fut un demi-échec. Malgré sa localisation au cœur de l’action, voisin de la place des Arts, un complexe culturel de référence autour duquel se sont greffés de gros événements (dont le couru Festival international de jazz), le musée a conservé l’image d’un lieu fermé. Un long mur aveugle semble en effet tourner le dos à l’esplanade baptisée en 2009 place des Festivals. L’absence d’une identité forte, voire d’une véritable entrée, porte ombrage, elle, à la programmation. Des tentatives pour le déménager à nouveau, dans un ancien silo à grains, ou lui ajouter des étages n’ont pas abouti. Le futur bâtiment prendra la forme d’un grand espace vitré, sorte d’excroissance à une extrémité de l’édifice existant.
Quatrième directeur depuis 1992, John Zeppetelli aura obtenu ce que ses prédécesseurs n’ont pas eu : l’accord et l’argent. Le projet choisi, qui s’inscrit dans la lignée des bâtiments culturels conçus par Saucier + Perrotte, dont les créations sont souvent saluées pour l’élégance et la simplicité de leurs formes, devrait améliorer l’expérience. « On établit un lien étroit entre l’expérience spatiale et la forme, plutôt que de travailler simplement sur des artefacts en façade, explique Gilles Saucier, principal architecte-concepteur. La complexité ne donne rien. On s’inscrit dans un lieu tumultueux. On ne répond pas à cette abondance de stimuli, mais on offre une pause.» Les nouveaux espaces doivent permettre de voir l’art. Au MAC version 1992, avant d’arriver devant les œuvres, il faut franchir une rotonde, un escalier, des murs… « C’est une question de symbole, estime l’architecte. Au MoMA, par exemple, on étire l’œil et on voit une œuvre à travers une mezzanine. On est interpellé par les œuvres, on a envie de les voir. »
Ouverture et transparence
John Zeppetelli qualifie le futur bâtiment d’œuvre d’art contemporaine davantage en accord avec le contenu que le précédent édifice. Le volume vitré (un espace multifonctionnel) et son jardin suspendu traduiront cette volonté de jouer enfin la carte de l’ouverture et de la transparence. Le directeur rappelle néanmoins que les « vrais espaces supplémentaires » pour la diffusion pousseront sous terre, dans ce qui servait jusque-là de réserves. Objectif : exposer une proportion plus importante des 8000 œuvres, pas seulement « moins de 1 % ». Rien n’a encore été décidé quant à la programmation inaugurale, mais John Zeppetelli estime que la meilleure option serait de consacrer l’entièreté des salles à la collection. « Le musée sera agrandi, bonifié. Nos activités augmenteront, mais nous n’avons aucune assurance financière, déplore-t-il cependant. On se projette dans le futur, avec l’espoir et la confiance que le gouvernement sera au rendez-vous. » Il n’y a pas péril en la demeure, seulement une petite incertitude… électorale (NDLR: le Québec votait le 1er octobre). Un changement de gouvernement est toujours inquiétant. Doté d’un budget de fonctionnement frôlant les 13 millions de dollars canadiens, le musée montréalais aimerait qu’on reconnaisse ses besoins grandissants. Le cas récent d’un autre musée d’État fait office de référence. Le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), dont la superficie a doublé en 2016, a vu ses subventions augmenter de 4 millions de dollars canadiens. Une augmentation prévue dès le plan d’affaires de l’agrandissement, selon la direction des communications du MNBAQ. John Zeppetelli aimerait avoir les coudées franches. Ses rêves, les Ikeda, Kentridge, Simon ou encore Weiwei l’exigent. Certes, il compte rehausser les revenus autonomes par la location du volume vitré et par la création d’un espace convivial au rez-de-chaussée, regroupant boutique-librairie-café-bar. Il aspire aussi à surfer sur les succès de la billetterie, en souhaitant que les 315000 visiteurs de l’exposition « Leonard Cohen. Une brèche en toute chose », un produit maison, ne soient pas un feu de paille. D’ici 2021, ou 2022, le MAC devra cependant travailler fort pour ne pas se faire oublier. Le « MAC temporaire » prendra place dans un centre d’art réputé, la Fonderie Darling. Les détails de l’entente et de la programmation n’étaient pas prêts au moment de mettre sous presse.
Musée d’Art contemporain de Montréal, 185, rue Sainte-Catherine, Ouest, Montréal (Québec), macm.org