Jusqu’à présent, le président de la République s’était davantage exprimé en matière de Culture sur le patrimoine ou l’éducation, avec le fameux « pass », que sur la création contemporaine. Il a rectifié le tir vendredi 19 octobre en accueillant à l’Élysée artistes, galeristes, directeurs de musées et de centres d’art, commissaires d’exposition et critiques d’art, directeurs d’écoles d’art et de fondations, ou encore mécènes, à l’occasion de la FIAC.
Au-delà de la dimension symbolique de cette réception pour un monde de l’art qui se sent bien souvent négligé par le pouvoir, c’est le discours offensif d’Emmanuel Macron qui a marqué les esprits. « Ce que nous avons à porter pour le pays, et je crois pour le continent, c’est un vrai projet de civilisation, culturel, de changement des esprits, et qui consiste à remettre au cœur de ce que nous sommes la place de la création », a déclaré le chef de l’État. Il entend d’abord ainsi lutter contre les extrémismes de toute part, dont la France a été la douloureuse victime ces dernières années. Il a notamment souligné le « combat politique que nous avons aujourd’hui à mener contre l’obscurantisme, le repli, avec la marginalisation de ce que représentent la création et la culture ». « Si l’on considère que ce combat est second, on a déjà perdu », a-t-il martelé. Et de préciser face aux populismes : « La France est elle-même quand elle ne se replie pas sur une identité fantasmée ».
Pour mener à bien cette mission, Emmanuel Macron a annoncé une politique de création ambitieuse. Alors que les mesures de lutte contre l’immigration mises en place par Nicolas Sarkozy continuent à affecter l’entrée sur notre territoire des artistes étrangers – on se souvient de l’impossibilité pour Chéri Samba de venir réaliser un projet dans l’Hexagone en 2011 –, le président de la République a annoncé une nouvelle politique d’accueil et des permis de séjours facilités pour les artistes étrangers qui veulent s’installer en France. Déjà lors de la FIAC en 2005, le Premier ministre d’alors, Dominique de Villepin, avait fait de cet accueil une priorité en promettant une fiscalité avantageuse pour les artistes étrangers transférant dans notre pays leur résidence principale. L’annonce d’Emmanuel Macron est une avancée importante pour renforcer l’attractivité de notre pays et la place de Paris comme capitale de la création contemporaine. Il a encore évoqué la mission confiée à Thierry Tuot sur les résidences et les ateliers d’artistes, à l’heure où tant de plasticiens peinent à disposer d’un lieu de travail décent, mais aussi une politique de défense de l’artiste et de ses droits, au moment où le débat porte sur le partage de la rémunération entre les diffuseurs et les créateurs.
Pendant son discours dans la Salle des fêtes de l’Élysée, dans un décor très Ancien Régime, avec ses dorures et ses grandes tapisseries, Emmanuel Macron a précisé que les lieux allaient bientôt prendre une allure plus contemporaine, nombre de salons de l’Élysée accueillant déjà des œuvres d’art moderne et contemporain, le « château » prenant conseil auprès de Bernard Blistène, directeur du musée d’art moderne/Centre Pompidou, et Laurent Le Bon, président du musée national Picasso-Paris. « Ce lieu doit être la vitrine de ce qu’est la culture et la créativité contemporaine », a confié le chef de l’État. Surtout, le président a lancé un appel au monde de l’art. « J’ai besoin que dans tous les territoires de la République et dans tous les imaginaires de France et d’ailleurs vous puissiez prendre votre part et apporter le maximum d’ambition, a-t-il déclaré. J’ai besoin de créatifs, d’indisciplinés, au fond de gens inspirants. Ce que vous représentez, l’inspiration que vous portez, a une place essentielle dans le projet que je veux porter pour le pays ». Emmanuel Macron, qui a encore déclaré qu’il « serait toujours aux côtés de ceux qui créent », a évoqué « la possibilité de transformer le pays de manière très concrète ». Quand ? Comment ? Le chef de l’État n’a pas précisé sa pensée. Tout juste a-t-il évoqué le « début d’un processus créatif » et donné rendez-vous prochainement aux artistes et professionnels de l’art. Une dynamique inédite s’est incontestablement engagée.