Pilier de la Figuration narrative, Jacques Monory a, pendant un quart de siècle, imprégné le mouvement de ses bleus à l’âme et filtré la réalité dans une mise à distance qu’il disait guidée par la nécessité. On retiendra de lui sa relecture ironique des scènes made in USA, teintée de cet azur dont il fit sa signature.
Formé à l’école des Arts appliqués de Paris, c’est chez l’éditeur d’art Robert Delpire que Jacques Monory découvre la force de l’image en qualité de maquettiste, au début des années 1960. Il y fait une rencontre décisive, celle du peintre Gérard Gasiorowski qui travaille comme archiviste. Tous deux participent à « Mythologies quotidiennes » au musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1964, marquant l’affirmation de la figuration dans un contexte encore largement influencé par l’expressionnisme abstrait. « Excellent photographe, inspiré par le pop art, Monory s’est emparé du pouvoir de l’image, avec solennité », explique Hervé Télémaque, qui regrette aujourd’hui son frère d'armes.
L’artiste revendique une narration affective, autobiographique, plutôt qu’historique, aimant citer le poète Edgar Poe : « Quoi qu’on voie ou qu’on sente, ce n’est qu’un rêve dans un rêve ». En 1968, son premier film, Ex, s’inscrit dans le sillage de la série des « Meurtres » où le peintre se représente en meurtrier solitaire quittant les lieux du crime. Suivront les « Velvet Jungle » (1969-1971) qui témoignent de sa passion pour le film noir. Ses scènes de crime bouleversent, ses revolvers détonent. La femme, au charme féroce, se fait tigre. Plusieurs grandes rétrospectives lui sont consacrées, en 2005, au MAC/VAL (Vitry-sur-Seine), et, en 2014, au Fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la culture à Landerneau (Finistère). Toujours coiffé d’un feutre, une silhouette élégante à la Bogart, Jacques Monory avait fini par se confondre avec son œuvre. Point de sortie.