Dès son séjour à la Villa I Tatti à Florence où il entre après avoir soutenu sa thèse de doctorat à Harvard, Everett Fahy gagne l’admiration de Roberto Longhi en raison de sa connaissance et de son approche de l’École de Lucques du XVe siècle, comme le rappelle Michel Laclotte, qui souligne combien la finesse de son œil a émerveillé des générations de chercheurs européens. «Ses premiers travaux sur la jeunesse de Bra Bartolomeo ou encore sur Piero di Cosimo sont aujourd’hui encore des modèles tant en raison de sa méthode que de sa compréhension de la peinture », souligne l’ancien président de l’Établissement public du musée du Louvre. Si on retient volontiers The Legacy of Leonardo : Italian Renaissance Paintings from Leningrad (1979) ou le catalogue de la collection Wrightsman (2005), les publications les plus marquantes d’Everett Fahy sont en effet ses articles que son ami Andrea De Marchi est en train de réunir dans le cadre d’une publication qui paraîtra prochainement. « Everett est l’un des historiens de l’art qui a le plus voyagé, nous a déclaré Andrea De Marchi . Dès les années 1964-1965, il avait gagné le surnom de "L’Américain" dans la région de Lucques dont il arpentait les moindres recoins. Mais il avait aussi une connaissance rare du Frioul ou des Marches. En Italie, on retient sa générosité. Je pense bien sûr au don récent de sa photothèque [à la Fondation Zeri à Bologne] mais aussi à toutes les correspondances entretenues avec les jeunes chercheurs. Everett dressait des listes d’œuvres qu’il faisait circuler. Il a aussi vécu dans les études des autres tant il a donné et tant il a participé aux attributions des chercheurs ».
Neville Rowley, conservateur à la Gemäldegalerie et au Bode-Museum à Berlin, rappelle d’ailleurs que Roberto Longhi lui avait attribué le surnom de « The Baby BB » pour signifier ses liens avec Bernard Berenson. Sir John Pope-Hennessy, l’ancien directeur du British Museum à Londres, disait qu’il avait été le plus brillant des étudiants qu’il ait connus. « Il alliait tout à la fois l’autorité et la discrétion. Lors de mon premier jour de stage auprès de lui en 2006, j’étais bien sûr impressionné de rencontrer quelqu’un d’aussi vénérable, respecté et important. Pourtant, la première chose qu’il m’a dite, c’est "Have fun !". Ce qui était évidemment un peu inattendu mais qui correspondait finalement au personnage », se remémore Neville Rowley. Même réaction de la part de Xavier Salomon, aujourd’hui Peter Jay Sharp Chief Curator de la Frick Collection : « Everett s’adressait sur le même ton à Jayne Wrightsman ou au simple stagiaire que j’étais alors en 2000. Aujourd’hui encore, je ne peux pas visiter les salles du Metropolitan sans songer au conseil qu’il m’avait donné : "Il faut se rendre dans ces espaces chaque jour entre 15 heures et 16 heures, la lumière, naturelle, est alors parfaite". Je pourrais aussi citer ses conseils ou ses échanges autour des expositions ou des œuvres. Il avait le sens du partage ».
Everett Fahy qui avait dispersé sa collection personnelle en octobre 2016 chez Christie’s, a fait don récemment de sa bibliothèque au Virginia Museum of Fine Arts de Richmond et de sa photothèque à la Fondation Zeri à Bologne qui devrait mettre en ligne l’ensemble de ses listes d’œuvres. « Les chercheurs, explique Andrea De Marchi, auront ainsi accès à toute sa documentation sur les cassoni, une source unique, mais aussi à des milliers d’images au dos desquelles il avait scrupuleusement reconstitué la provenance des œuvres, un travail rarissime qui permettra en quelque sorte de continuer à faire vivre ses travaux ». Les musées new-yorkais perdent « le dernier grand connaisseur américain, le gentleman d’un monde qui n’existe plus et qui a profondément marqué l’histoire du Metropolitan et de la Frick », selon Xavier Salomon.