Après avoir connu un déficit de 200 000 C$ à la fin de sa dernière édition en 2017, la Biennale de Montréal a annoncé qu’elle n’aurait pas lieu en 2018. « Malgré les succès artistiques que nous avons connus, nous devons annuler la Biennale », a déclaré Cédric Bisson, président du conseil, à The Art Newspaper.
Ce dernier raconte que « l’équipe de management » a fourni « des chiffres inexacts au conseil » pendant l’événement et que c’est pour cela que celui-ci n’a pas connu la pleine étendue de ses difficultés financières jusqu’en janvier, après la fin de la Biennale. Il ajoute que des problèmes avec l’équipe de management (menée par la directrice exécutive et artistique Sylvie Fortin) ont également contribué au déficit. Sylvie Fortin a pris son poste en 2013, lors de la réorganisation de l’événement en tant qu’entité financière indépendante, et y a renoncé fin janvier, quand les problèmes ont fait surface.
« La direction générale n’était pas leur fort », dit Cédric Bisson à propos de Sylvie Fortin et son équipe. Cette dernière a expliqué au quotidien canadien La Presse que les problèmes financiers étaient dus, en partie, au management, mais aussi au comité. Elle a enchaîné qu’il était normal pour un événement de l’envergure de la Biennale d’avoir des problèmes inattendus. Nous n’avons pas pu la joindre pour une déclaration.
Le déficit pourrait s’expliquer par trois facteurs principaux, selon Cédric Bisson. Tout d’abord, des problèmes de management. D’autre part, des revenus d’une collecte de fonds qui ne se seraient pas « matérialisés ». Finalement, des coûts inattendus, comme des questions de transport (même si Cédric Bisson a refusé de rentrer dans le détail à ce sujet), auraient aussi contribué à cette dette.
Les deux sources tombent d’accord sur le fait que l’événement a connu le succès au niveau artistique. Cédric Bisson est ravi du travail fourni à ce niveau et explique que le comité était content de l’impact artistique de l’événement. Il prend comme exemple l’artiste allemande Anne Imhof, gagnante du Lion d’or pour la meilleure participation nationale à la Biennale de Venise en 2017, et créatrice de la performance Angst III à Montréal le 18 octobre. Le coût de l’œuvre est considérable : à eux seuls, les faucons et les performeurs ont coûté 70 000 $, selon La Presse.
Autre problème important : trois mois après la fermeture de la Biennale, certains artistes et vendeurs locaux n’avaient pas été payés, rapportait Le Devoir en avril. « Nous avons depuis payé quelques [artistes locaux et contractuels], dit Cédric Bisson. Mais il y a encore quelques fournisseurs locaux et artistes qui n’ont pas été payés…Nous sommes essayons de le faire le plus tôt possible, mais je ne peux malheureusement pas vous fournir une date. »
Il ajoute aussi que les sponsors de l’édition 2016 les « aident encore ». Parmi ces sponsors figurent le musée d’Art contemporain de Montréal (partenaire de l’événement depuis l’édition 2014 et hébergeur de la plupart de ses expositions), les organismes gouvernementaux canadiens et québécois et les gouvernements étrangers. Il refuse cependant de spécifier si ces derniers couvriront les dettes de la Biennale.
À la question de savoir si le musée d’Art contemporain de Montréal (MACM) va prendre le relais et organiser l’édition 2020, Cédric Bisson répond que l’institution et la Biennale ont « une bonne relation », même s’il n’y a aucun plan de ce genre pour l’instant. « Je pense que c’est logique pour nous de travailler avec le musée », explique-t-il, en citant certaines de ses ressources, comme son équipe de commissariat. Cependant, la relation entre la Biennale et l’institution doit « encore être définie ».
En automne, le comité a l’intention de réunir les parties intéressés, comme des artistes canadiens, des partenaires de financement, le MACM et d’autres musées. Pour l’instant, il semblerait que la Biennale fasse tout simplement une pause jusqu’à son édition 2020. Cédric Bisson souligne que tous les acteurs du projet considèrent qu’il est important de continuer à mettre en place un événement qui rassemble les productions d’artistes canadiens internationaux autour d’un thème commun, mais indique qu’il existe certainement la possibilité que l’événement se déroule de manière triennale. « C’est seulement une question de fréquence », dit-il.
La Biennale a déjà survécu à plusieurs périodes de difficulté économiques depuis son lancement, en 1998. Elle s’est séparée de son institution fondatrice (le Centre international d’art contemporain de Montréal), a perdu deux directeurs en deux ans, a reporté l’édition d’automne 2013, et a remplacé la Triennale MACM Québec (un événement consacré aux artistes contemporains québécois) en s’associant au musée en 2013.
Pour reprendre les mots qu’adressait Sylvie Fortin à la presse avant l’édition 2014 de l’événement, à New York : « [Son histoire est] quelques fois glorieuse et, d’autres, moins glorieuse ».